Avant toute chose, je voudrai vous remercier, vous tous ici présents, adhérents et amis, ainsi que tous ceux qui n’ont pas pu se déplacer aujourd’hui.
Merci à la Municipalité de Corbeil-Essonnes, au Conseil Départemental de l’Essonne et à l’Agglomération Grand-Paris-Sud. Tous, par votre soutien financier et moral, vous êtes partie prenante de notre action.

Quand depuis 24 ans, une association comme la nôtre, recueille des centaines de récits de vie audiovisuels, des milliers de photos locales, il est logique qu’au cours d’une Assemblée Générale comme celle d’aujourd’hui, nous nous interrogions sur le rôle de la Mémoire de notre terroir.

Une société moderne peut-elle se passer de Mémoire ?
Une collectivité qui serait trop aveuglée par le seul « présent » aurait un champ de réflexion bien trop limité, sans aucune perspective.
Aujourd’hui notre société est organisée à partir de structures qui sont nées au Néolithique voici 4 000 à 5 000 ans.
En devenant « Agriculteur », le « Chasseur-Cueilleur » a abandonné le nomadisme pour choisir la sédentarité. Ce fut certainement la plus grande révolution que l’histoire de l’Homme ait connue. Nos villes, nos villages, l’organisation de notre société, nos principales valeurs, nos structures politiques, nos hiérarchies sont nées à cette époque.
De génération en génération l’accumulation des savoirs, a permis le progrès technique et la science, qui, en bien des domaines ont transformé, transforment et transformeront le quotidien de l’Homme.
Voilà pour la Mémoire collective.

Et à titre individuel, qu’en est-il ?
Aujourd’hui la science médicale qui se penche sur le « mal être » de l’Homme, nous incite à retrouver cette part de mémoire et d’enfance qui est en chacun de nous, afin de mieux identifier nos racines et celles de notre famille.
Absolutiser le présent, en niant le passé et en le renvoyant à de vieilles lunes est impossible …et j’ajouterais… imbécile. Si nous le faisions, il faudrait ignorer nos parents, notre classe sociale, le pays où nous sommes nés, la culture, l’acquisition des connaissances, les idées, les valeurs qui au fil d’une vie nous ont inconsciemment imprégnés et façonnés.

Il faut bien l’admettre : nous sommes tous des héritiers.
Ce patrimoine, qu’il soit collectif ou personnel, se doit d’être transmis.
Les échanges sont à la base de tout, y compris à travers les générations.
La brièveté de la vie de l’Homme préhistorique, et ses trop rares rencontres étrangères, limitaient la transmission des connaissances. La Mémoire n’avait pas le temps de s’installer.
Avec la sédentarité du Néolithique, les échanges se firent plus nombreux et la mémoire, orale d’abord, puis écrite, put se transmettre en enrichissant chaque génération.
Aujourd’hui, il en est de même. Nous avons la conviction, que la culture, c’est d’abord et avant tout, se relier, ouvrir les fenêtres pour que chacun puisse se nourrir de la culture de l’autre au plan collectif comme au plan personnel.

Et « Mémoire et Patrimoine Vivant » dans tout cela ?
A notre modeste niveau, nous nous efforçons de nous relier régulièrement à toutes les structures culturelles, administratives ou associatives locales non seulement de Corbeil-Essonnes comme la Direction de la Culture, le Service des Expositions, le Pôle Histoire mais aussi celles du Département de l’Essonne et de Grand Paris Sud comme l’Office du Tourisme par exemple.
De même notre collaboration est active avec la MJC, la Médiathèque les associations historiques d’Evry, St Germain-lès-Corbeil, Grigny et de multiples autres contacts beaucoup trop nombreux pour en donner le détail ici.

Aujourd’hui comme hier, chacun de nous est MÉMOIRE.
En 1994, quand nous avons créé « Mémoire et Patrimoine Vivant » avec mon ami Christian Baudouin nous avons voulu privilégier la mémoire audiovisuelle locale qui n’existait pas. Nous ne voulions pas qu’elle ne soit transmise que par l’écrit. Nous avons voulu recueillir tous ces modestes souvenirs, tous ces petits riens du quotidien, tous ces instants qu’ont vécu nos ascendants et dont nous sommes pétris, sans en avoir toujours conscience.
Nous voulions aussi donner la parole à ceux qui habituellement ne l’ont pas.
Nous pensions qu’ainsi, nous pourrions modestement contribuer, à mieux faire connaître une époque révolue certes, mais qui nous a façonnés.
Cela nous paraissait d’autant plus urgent, que depuis quelques années les liens familiaux et sociaux ont eu tendance à se relâcher, du fait de la dispersion des membres de la fratrie, du village ou du quartier.
Mais, nous ne cessons de le dire, la Mémoire n’est pas la nostalgie.
Ne rêvons ni d’un passé fantasmé, ni d’un présent paradisiaque pas plus que d’un futur angélique : « Le bon vieux temps de la belle époque » dit-on ?
Qui regrettera les massacres du 20ème siècle en Europe probablement un des plus meurtriers de notre civilisation ?
Qui regrettera le travail de la laveuse qui l’hiver après avoir cassé la glace de la rivière passait 4 ou 5 heures à genoux dans sa boite à laver en rinçant des draps de chanvre dans l’eau glacée ?
Qui regrettera les semaines de 70 ou 80 heures de travail ?
Qui regrettera le sort de cet homme qui habitant Tigery faisait chaque jour 20 kilomètre à pied pour aller travailler aux papeteries Darblay à Moulin-Galant ? A lui, son bonheur fut d’avoir pu s’acheter un vélo d’occasion.
Et pourtant nos témoins évoquent ces époques, souvent avec bienveillance en ayant notamment le souvenir d’une plus grande solidarité que celle que nous connaissons parfois aujourd’hui.
Le « Présent » est fugitif, les mutations sont tantôt brusques, tantôt discrètes.
Il n’est pas rare que l’on réalise trop tard que notre environnement s’est complètement transformé, sans que nous nous en soyons aperçus.
C’est souvent quand quelqu’un d’aimé vient de nous quitter, que nous réalisons combien il était porteur d’un trésor de racines et de vie.
Accueillir la Mémoire est un voyage dans le temps, qui permet de mieux comprendre une époque qui n’est plus la nôtre. Si nous apprivoisons ce passé, nous serons mieux préparés à aborder, penser et construire une autre époque, future celle-là, encore plus obscure, mais dont les prémices sont déjà là.
Ainsi en inscrivant notre réflexion au cœur d’une trajectoire dynamique
« Passé-Présent-Avenir », nous sommes mieux armés pour imaginer et façonner à notre modeste échelle le quotidien des prochaines générations.
Voilà, brièvement résumée la philosophie de « Mémoire et Patrimoine Vivant« .

Pour conclure, je vous propose de méditer cette phrase bien connue de Lavoisier qui a beaucoup fréquenté la ville de Corbeil-Essonnes, et que nous pourrions appliquer à la Mémoire :
« Rien ne naît, ni ne périt,
Mais des choses, déjà existantes
se combinent et se séparent de nouveau »

Ce sera si vous le voulez bien ma conclusion

Claude Breteau
Président-Fondateur